Journée mondiale de la propriété intellectuelle. La formule est moche : "propriété intellectuelle". Presque un oxymore (du grec "malin stupide") tant ces deux richesses-là se nient mutuellement, du moins dans mon a priori à moi. Je préfère parler "œuvre de l'esprit", qui a le mérite de donner des mains à la tête, de reconnaître la force des idées, des dessins, des mots...
Un combat, depuis toujours: il est si facile de prétendre pouvoir se passer de l'immatériel, de ne reconnaître que la valeur du faire. Je me souviens de René Monory, "le garagiste de Louvin" devenu président du Sénat, s'énervant de devoir payer des droits aux photographes qui immortalisaient le Futuroscope, alors qu'il s'en estimait l'auteur (j'écrivais alors sur le sujet un livre paru aux éditions du Moniteur). Oubliant un peu vite le rôle de tous ceux qui réalisaient sa grande œuvre, il avait même tendance à considérer que l'architecte (Denis Laming) n'exerçait là que grâce à lui, le véritable créateur. De la prééminence du politique: l'intello, l'artiste, faciles à déconsidérer.
Me rappeler Hannah Arendt : "Les mots justes trouvés au bon moment sont de l'action."
Je l'avoue, j'ai aussi du mal, parfois, à reconnaître la valeur de mon travail, alors que je gagne ma vie en vendant mes droits d'auteur, c'est-à-dire ma plume et mon expérience - de la matière grise. Les photographes, dans le temps, qualifiaient "gris" les textes accompagnant leurs images ; aujourd'hui, ils ont bien du mal, eux aussi, à se faire payer des œuvres circulant si aisément sur le Net, une expérience qui fait toute la différence face aux amateurs armés d'appareils numériques.
Marivaux s'est bagarré pour faire admettre aux Comédiens Français que, sans lui, ils étaient bien en peine de jouer des succès. Presque 300 ans plus tard, les musiciens peinent à expliquer qu'il est normal de payer un disque comme on paye une baguette de pain au boulanger. Alors il faut inventer autre chose que cet ingénieux "droit d'auteur" passé de mode - surtout en un temps où la création devient de plus en plus "collaborative", son meilleur avenir face aux marchands de soupe.
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