Elle a 30 ans, la bébé éprouvette. Et je me souviens qu'à l'époque sa naissance avait un air faustien, presque un péché. D'ailleurs le papa médecin d'Amandine a arrêté de pratiquer, inquiet des tendances eugénistes qui se développent autour de cette capacité humaine à jouer dieu : depuis, Jacques Testart continue à défendre les principes éthiques d'une science contenue dans les limites de la dignité humaine et de la démocratie réelle. Bien sûr, le vieux problème demeure : dès qu'on est armé, il devient difficile de ne pas se servir de son arme. Alors peut-on durablement interdire des pratiques devenues possibles?
La "procréation assistée" (égrillarde formule) me pose aussi un sérieux souci : la revendication d'un "droit" à l'enfant. Alors même que la question des droits DE l'enfant reste non résolue à l'échelle de la planète - des milliers d'esclaves tissant des tapis ou fabriquant des chaussures, des bandes de mômes survivant de tris d'ordures et dormant dans des cartons, des corps mutilés pour récupérer des yeux, des foies... Et ici, dans nos belles sociétés riches, des adultes en mal de paternité/maternité expliquent que la société non seulement ne peut pas leur interdire de pouponner mais le leur doit (au point que les enfants nés par Fivette ont pu être mieux pris en charge par la sécurité sociale que les autres). Sans égard pour les obstacles que la "nature" peut leur opposer (cela vaut pour les femmes ménopausées comme pour les homosexuels).
OK, je suis une vieille réac. Sans doute parce que j'ai personnellement souffert de trop de transgressions pour ne pas me méfier des risques de perversion qu'elles induisent. La limite "saine" est bien compliquée à définir entre le désir prométhéen de repousser les frontières du possible (une des définitions de l'humain: regarder les étoiles et imaginer comment les atteindre), le refus de tout interdit et la tentation d'échapper aux conséquences de nos choix. Pourtant, certaines postures aident à grandir alors que d'autres maintiennent en enfance.
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