mercredi 5 septembre 2012

6 septembre - vive les bobos

Les voilà objets de colloque - "D'où viennent les bobos?"; rencontre universitaire des plus sérieuses, à Paris. Avec cette ironique perspective: les chercheurs qui échangent sur ce thème (avec difficulté car le concept n'est pas net) ont toutes chances d'être eux-mêmes qualifiés de bobos, plus ou moins gentiment. 
Plutôt moins que plus, vraisemblablement : on ne les aime pas, les "bourgeois-bohème", et ce qu'on dit d'eux, le plus souvent, fait penser à ce que d'autres temps moquaient des bourgeois tout court: "Les bourgeois, c'est comme les cochons, plus ça devient vieux, plus ça devient..." Gamine, j'adorais la chanson de Jacques Brel, et je détestais franchement la bourgeoisie, un des symptômes de la haine de soi qui semble-t-il frappe toutes sortes de groupes sociaux, du genre "juif antisémite". 
Alors il y a comme un consensus à faire du bobo un beau bouc émissaire, Le Pen et Mélanchon d'accord - il a du fric, il prétend avoir des idées de gauche, il ne connaît rien en vérité aux masses populaires et il reste un ennemi de classe malgré ses tentatives bisounours pour se faire accepter. Surtout, on l'accuse d'être l'agent objectif de la "gentrification" qui affecterait pour le pire les centres des villes en chassant les pauvres.
Là, écoutons le géographe Jacques Lévy, professeur à l’école polytechnique de Lausanne. Il fait "l'éloge des bobos", au nom de leur allophilie, leur capacité à accepter la différence. Vertu cardinale en ces temps d'allophobie exacerbée (ah, les joies de l'entre-soi!). Les études que Jacques Lévy mène sur l'évolution des villes montrent simplement que c'est dans les centres anciens, là où vont les bobos, qu'il y a aujourd'hui le plus de mixité - contrairement aux quartiers bourgeois homogènes. Certes, leur arrivée dans un quartier populaire fait augmenter les prix mais elle permet de lutter contre les processus de dégradation qui fabriquent les ghettos, la délinquance, les zones de non-droit où se perdent les aménités urbaines. Les quartiers bobos, eux, redeviennent des lieux d'échange, les commerces peuvent s'y réinstaller, la vie y est plus agréable. Et si le succès est trop grand, si les prix immobiliers s'emballent, si les villes ne font pas leur boulot pour maintenir là du logement social et de quoi loger les classes moyennes, alors hélas les bobos pionniers sont obligés de s'en aller... Parce qu'ils ont souvent plus de culture que de sous, quoi qu'on en dise.
Joli exemple de cette affaire dans le quartier de Malakoff, à Nantes: sur les ruines d'une ancienne barre HLM, a été construite une résidence de La Foncière (ex 1% dit patronal, dont les logements sont réservés aux salariés des boîtes cotisantes, à des prix un peu inférieurs à ceux du marché). Les logements sont beaux, grands, avec terrasse et vue sur Loire, pas difficiles d'y trouver des locataires, malgré la mauvaise réputation du quartier. Les anciens habitants n'apprécient pas les nouveaux venus, ils les traitent de "riches" (et c'est sûr, ils le sont beaucoup plus qu'eux). Et pourtant François, dessinateur industriel, espère faire sa place ici, en bon fer de lance de la mixité: "J'ai toujours prôné la culture des différences, alors intégrer Malakoff n'est pas un problème, au contraire."


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