mardi 25 septembre 2012

26 septembre - Intimité de la catastrophe

Le cap des 3 millions a été franchi en août. Les chiffres du chômage dévoilés à 18 heures confirment : ça va pas fort. Et ça ne va pas s'arranger, si se confirme à l'échelle nationale la série d'annonces accumulées depuis le début septembre. Empilement de discours déprimants. Comment résister à l'amertume de l'époque? Comment voir dans la "crise" les ferments de la rénovation? 
La situation illustre cette difficulté dont parle Bruno Latour, exister dans son identité autonome ET dans le concert collectif - conscience double et paradoxale, carrément douloureuse lorsque l'angoisse domine si fort le discours ambiant. Pour moi, un véritable défi personnel, alors que envisager mon avenir avec optimisme m'est toujours difficile. Me voilà donc particulièrement fragile, exposée à la dégelée de mauvaises nouvelles - quelque chose comme nager dans les grosses vagues avec des pieds lestés.
Est-ce une question de nature? Je l'ai pensé en découvrant ce qu'écrivait un autre Sagittaire, Paul Klee en 1914: «J’ai porté cette guerre en moi depuis longtemps. C’est pourquoi elle ne me concerne pas intérieurement». Dans son journal, il ajoutait: «Pour me dégager de mes ruines, il me fallait avoir des ailes. Et je volai. Dans ce monde effondré je ne m'attarde plus guère autrement qu'en souvenir, à la manière dont on pense parfois au passé.» Il voulait être un individu et un artiste "autonome", souci qui signe sa modernité et qui a aussi fait de lui un incrédule. Il a peint la guerre. Les deux guerres. Avec un entêtant détachement.
Brûle encore, 1939, Fondation Beyeler © Photo : Peter Schibli © ADAGP
Je reconnais en Klee ce sentiment intime de la catastrophe, celle du monde en écho à la catastrophe intérieure. Le jour où elle se produit (enfin?), elle est presque un soulagement - elle délivre de l'angoisse qui l'annonçait. Et pourtant renoncer ne sera jamais une option. 
J'aimerais me sentir armée de la lucidité que l'époque réclame. Autant pour ne pas céder à ce chant collectif qui plombe et prépare les défaites, que pour résister à mon propre roman du malheur. Alors je remercie le rire de mon amant, lorsqu'il sait que nous avons de la chance, lorsqu'il dit sa confiance dans notre vitalité et notre désir d'aimer.


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